- Je mettrais bien cet escalier à mon mur :

Publié le par Gilles F.

 

 

 

 

 

Il y a quelque temps, devant la grille d’une rue privée qui se trouve à côté de chez moi, je suis tombé sur un énorme tas de trucs jetés là (vidage de grenier ? déménagement ?). Il y avait des vieux romans de l’entre-deux guerres illisibles (La mort du tigre, En écoutant le maréchal Foch…), des tas de bouquins universitaires, deux vieux films d’horreur italiens portant des étiquettes « archives vidéo de TF1 », et au milieu, le trésor : une collection d’à peu près quarante Connaissance des arts des années 90.

 

Dans l’une de ces revues (n°488, 1992), il y a un article sur un peintre que je ne connaissais pas, Sam Szafran. L’artiste, encore vivant d’après ce que j’ai pu trouver comme renseignements (biographie), ne s’est jamais vu attribuer une place de premier plan, un peu parce qu’il a tourné le dos à la mode, un peu parce qu’il s’en foutait, semble-t-il. Une quinzaine de tableaux, c’est tout ce que j’ai pu voir entre les photos du magazine et ce qu’on trouve sur Internet. Surtout des escaliers : ce sont ses chefs d’œuvres, d’après l’article. Ça et les plantes vertes, et puis c’est presque tout.

Que des murs ou des plafonds sur les bords du tableau. Le mouvement spiralé de l’espace le ferme sur lui-même. Le haut et le bas de l’escalier semblent deux trous d’écoulement, plutôt que des points de fuite. Comme souvent dans les peintures d’escaliers en colimaçon, les virages qui, en haut et en bas, dérobent à notre vue la suite de l’escalier accentuent et dramatisent les limites de la perception. L’espace courbe emprisonnant le regard, les rampes qui traversent l’espace d’une façon organique, serpentine, on trouve cela chez un autre peintre de la même période, Francis Bacon (pour la couleur on pense aussi au "Nu descendant un escalier" de Duchamp):

 

 

 La fenêtre, quant à elle, paraît bien bouchée, au point que la lumière crue qu’elle jette au mur, d’avantage qu'elle, semble une ouverture. Je me risquerais bien à une interprétation un peu hasardeuse : cet escalier me semble évoquer le mouvement du désir entre le temps perdu (le bout de l’escalier d’où l’on vient), l’avenir (du côté opposé), et cette fenêtre accueillante et dangereuse, avec son double lumineux (qui signifie... merde, j'arrête là mon délire). L’espace présent, ces marches qui s’étirent, nous apparait alors démesurément vide.

 Voilà. J’ai fait mon petit numéro de critique du samedi. C’était surtout pour vous faire partager mon émerveillement.

 

Publié dans Au jour le jour

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